Travaux réalisés par le locataire : quelle imposition pour le bailleur ?

Lorsqu’un locataire réalise des travaux d’aménagement ou de construction dans un local loué, ces investissements peuvent, à la fin du bail, revenir gratuitement au propriétaire.
Mais fiscalement, cette remise gratuite constitue-t-elle un revenu imposable pour le bailleur ?
Le Conseil d’État, dans une décision du 19 mai 2021 (n° 429332, SCI Saint Léonard), a apporté une réponse claire et structurante pour les propriétaires, bailleurs et gestionnaires de SCI.

Les faits : un bail commercial avec clause de reprise des travaux

La SCI Saint Léonard avait donné à bail un ensemble immobilier à usage commercial.
Le contrat de bail prévoyait qu’à la fin du bail, le propriétaire conserverait sans indemnité “tous embellissements, améliorations et installations faits par le preneur”.

Au cours du bail, le locataire avait entrepris d’importants travaux d’aménagement et de rénovation, augmentant sensiblement la valeur du bien.
À la fin du contrat, ces aménagements ont donc été remis gratuitement à la SCI.

L’administration fiscale a alors considéré que cette remise gratuite équivalait à un complément de loyer imposable pour le bailleur.
Le Conseil d’État a confirmé cette position, précisant la méthode d’évaluation du profit à retenir.

Le principe : une imposition au titre d’un complément de loyer

Le Conseil d’État confirme que le bailleur est imposable sur le complément de loyer que constitue la remise gratuite des constructions ou aménagements effectués par le locataire.

Ce complément de loyer doit être rattaché :

  • au revenu foncier lorsque le bailleur est une personne physique ;

  • ou au résultat imposable si le bailleur relève de l’impôt sur les sociétés (IS), comme c’est le cas d’une SCI soumise à l’IS.

Cette imposition est justifiée par le fait que, même sans encaissement effectif, le bailleur enrichit son patrimoine grâce à la valeur ajoutée créée par le locataire.

Deux approches possibles pour évaluer le profit

Deux méthodes pouvaient être envisagées pour calculer ce complément de loyer :

1.Approche “coût chez le preneur”

Le profit imposable correspond au coût de revient des aménagements réalisés par le locataire (c’est-à-dire ce qu’ils lui ont coûté).

2.Approche “profit chez le bailleur”

Le profit correspond au surcroît de valeur vénale que ces aménagements apportent à l’immeuble à la fin du bail.

Le Conseil d’État a retenu la seconde approche :
le complément de loyer imposable doit être évalué à la valeur ajoutée réelle pour le bailleur, et non au coût initial supporté par le preneur.

Une solution logique et équilibrée

Le raisonnement du Conseil d’État s’appuie sur une logique économique :

  • Le coût supporté par le locataire ne reflète pas nécessairement le gain patrimonial réel pour le propriétaire.

  • Seule la valeur vénale finale de l’immeuble permet de mesurer le véritable profit réalisé par le bailleur.

En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’un locataire dépense 100 000 € de travaux que le bien prend réellement 100 000 € de valeur.
Si les aménagements sont spécifiques ou difficilement réutilisables, la valeur ajoutée pour le bailleur peut être bien moindre.

Le Conseil d’État précise donc que l’imposition doit être proportionnée à la plus-value effective du bien.

Conséquences pratiques pour les bailleurs et SCI

Cette jurisprudence a plusieurs implications concrètes :

1. Impact sur les SCI

Les SCI soumises à l’IS doivent intégrer ce complément de loyer dans leur résultat fiscal, proportionnellement à la valeur vénale ajoutée par les travaux.
Pour les SCI à l’IR, les revenus fonciers sont augmentés de ce complément.

2. Rôle de l’usufruitier et des associés

Dans l’affaire jugée, la société Hathor, usufruitière des parts de la SCI, a été imposée à proportion de ses droits dans la SCI.
Cela rappelle que l’imposition se répartit entre usufruitier et nu-propriétaire, selon les droits économiques de chacun.

3. Nécessité d’une évaluation professionnelle

La valorisation du surcroît de valeur vénale requiert une expertise immobilière indépendante, notamment lors :

  • de la fin d’un bail commercial ;

  • ou d’une cession de parts sociales de SCI après des travaux réalisés par le locataire.

Un risque fiscal souvent sous-estimé

De nombreux bailleurs ignorent cette règle, pensant qu’un aménagement réalisé par le preneur n’a pas d’incidence fiscale.
Or, l’administration considère désormais systématiquement ce type de transfert comme un revenu imposable, même sans flux financier.

En cas de contrôle, un rehaussement des revenus fonciers ou du résultat de la SCI peut être appliqué, avec :

  • intérêts de retard,

  • et majoration de 40 % pour insuffisance de déclaration en cas de mauvaise foi.

Un audit fiscal préventif est donc fortement recommandé pour anticiper ce type de situation.

FAQ – Imposition des travaux réalisés par le locataire

Pourquoi le bailleur est-il imposé alors qu’il ne reçoit pas d’argent ?

Parce qu’il bénéficie d’un enrichissement patrimonial gratuit, considéré comme un revenu en nature.

Sur la base du surcroît de valeur vénale du bien à la fin du bail, et non sur le coût des travaux engagés par le locataire.

Oui, qu’elles soient à l’IR ou à l’IS, mais la méthode de déclaration diffère selon leur régime fiscal.

Faire évaluer la valeur ajoutée par un expert immobilier et la documenter fiscalement avant toute déclaration.

Non, la charge fiscale incombe uniquement au bailleur, sauf requalification spécifique en avantage indirect.

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L’objectif : sécuriser la situation du bailleur et éviter toute requalification défavorable par l’administration.