Quelle imposition sur la vente d’une montre de luxe ?

Les montres de luxe, symboles de statut et d’élégance, sont non seulement des accessoires prisés par les amateurs de haute horlogerie mais elles suscitent également l’attention des autorités fiscales en raison de leur valeur élevée.

Les plus-values réalisées à l’occasion de la vente de montres par les particuliers sont susceptibles d’entrer dans le champ de deux régimes d’application alternative qui méritent l’attention des collectionneurs de montres de prestige.

I La Taxe Forfaitaire sur les Objets Précieux (« TFOP »)

Selon l’article 150 VI du Code Général des Impôts (« CGI »), les métaux précieux, bijoux et objets d’art, de collection ou d’antiquité sont assujettis à une taxe forfaitaire sur les objets précieux (« TFOP ») lors de la vente. Certaines exonérations s’appliquent, notamment pour les ventes de biens dont le prix est inférieur à 5 000.

La TFOP est calculée sur le prix de vente et varie selon la nature du bien cédé, avec un taux de 11 % pour les métaux précieux et 6 % pour les ventes de bijoux, objets d’art, de collection et d’antiquité. La Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS) s’applique également au taux de 0,5 % si le vendeur est fiscalement domicilié en France. Pour l’or spécifiquement, une taxe globale de 11,5 % s’applique sur le prix de vente, libérant le vendeur de toute imposition après son paiement.

En ce qui concerne les montres de luxe, une décision récente de la Cour administrative d’appel de Paris, rendue le 10 novembre 2022[1] a apporté une clarification significative concernant la taxation des montres-bracelets de luxe en précisant que la TFOP n’est pas applicable aux montres-bracelets de prestige, même si elles sont composées d’or.

Cependant, cette décision a été annulée par le Conseil d’Etat (Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 12/12/2023, 470249) et renvoyée devant la Cour administrative d’appel de Paris. En effet, selon le Conseil d’Etat, les bijoux, au sens et pour l’application de ces dispositions, s’entendent « des objets ouvragés, précieux par la matière ou par le travail, destinés à être portés à titre de parure, y compris lorsqu’ils ne sont pas composés de métaux précieux« . 

Pour l’heure, l’administration fiscale n’a pas modifié sa doctrine énoncée au paragraphe 50, de l’instruction fiscale BOI-RPPM-PVBMC-20-10 relative à la TFOP, qui assimile à des bijoux l’ensemble des montres-bracelets, quels que soient les matériaux entrant dans leur composition. 

Certaines zones d’incertitudes demeurent. Notamment, cet arrêt ne règle pas la question de savoir si certaines montres sont susceptibles de rentrer dans le champ de la taxe forfaitaire en tant qu’objet de collection, ce que l’administration n’était pas parvenue à démontrer au cas d’espèce. En effet, certaines montres, du fait de leur ancienneté et de leur rareté atteignent des prix sensiblement plus importants en fonction de certaines caractéristiques (peinture luminescente particulière utilisée pour les aiguilles, imperfection inhabituelle sur le cadran etc.) qui leur confèrent une valeur sensiblement supérieure à la valeur d’une autre montre du même modèle. Il serait bon pour la sécurité juridique de tous que le législateur corrige ou précise le champ matériel de la TFOP.

II L’imposition des plus-values sur biens meubles

A défaut d’entrer dans le champ d’application de la TFOP, les plus-values réalisées par les particuliers à l’occasion de la vente de leurs montres entrent dans le champ du régime de droit commun des plus-values sur biens meubles. Ce régime des plus-values sur biens meubles s’applique également sur option lorsque la vente entre dans le champ de la TFOP. Ce régime qui est d’application courante chez les contribuables qui ont pour habitude de spéculer sur la vente de vins revendus après vieillissement ou encore chez les propriétaires de chevaux de course est détaillé à l’article 150 UA du CGI.

La plus-value brute est calculée en soustrayant le prix de cession du prix d’acquisition, en prenant en compte les frais d’acquisition, de restauration et de remise en état. 

Les plus-values de cession de biens meubles sont imposées à 19 %, auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux à hauteur de 17,2 %.

Deux exonérations sont susceptibles de s’appliquer :

  • Exonération tenant au faible montant de la cession : montres dont le prix de cession est inférieur ou égal à 5 000 € sont exonérés.
  • Exonération après 22 ans de détention : par l’application d’un abattement de 5 % par année de détention au-delà de la deuxième, la plus-value est définitivement exonérée au terme d’un délai de 22 ans. Le vendeur doit pouvoir établir la date et le prix d’acquisition du bien de manière probante ou justifier la détention équivalente au délai requis pour bénéficier de l’exonération par l’abattement de durée de détention. On ne saurait donc trop conseiller aux particuliers amateurs de montres de prestige de conserver précieusement les justificatifs de leurs acquisitions. 

[1] CAA de Paris du19 novembre 2022 n° 21PA03755

Vincent Vialard - Avocat fiscaliste